Cette eau en bouteille qui ne se révèle pas si pure

« Le pire sera peut-être atteint en quelques dizaines d'années. Et on fera quoi ? ».Jean-Luc Touly, membre du conseil national de l'eau

L'analyse a porté sur 47 bouteilles d'eau (représentant l'ensemble du marché hexagonal), trois bombonnes et sur une dizaine d'échantillons d'eau du robinet prélevés dans trois départements. Dix bouteilles d'eau ont montré des résidus de médicaments et de pesticides. 

« C'est une grande surprise ! On ne s'attendait pas du tout à ces résultats. Mais plutôt à de possibles interactions entre des molécules et le plastique. Or, dans ce domaine, nous n'avons absolument rien trouvé », réagit Emmanuel Poilâne, DG de France libertés. 

Ainsi du tamoxifène, hormone de synthèse utilisée dans le traitement du cancer du sein, est, selon l'étude, présente dans l'Héraultaise Salvetat, la Tarnaise Mont Roucous, Saint-Yorre, Saint Armand (du clos de L'abbaye, et Carrefour Discount (Céline Cristalline). Du buflomedil et du naftidrofuryl, des vasodilatateurs, ont été également détectés dans l'Hepar pour le premier et dans la Saint Armand pour le second. Sans que l'on sache l'origine de ces traces. 

En revanche,Quézac, en Lozère, et Perrier à Vergèze, dans le Gard, sont "clean ». Cette étude ne remet toutefois pas en cause la potabilité de l'eau « à court terme » ni l'honnêteté des embouteilleurs. Mais les deux grandes associations s'interrogent sur cette contamination liée aux pratiques humaines. Celles-ci appellent à "une remise à plat des normes de qualité et que l'on mette en place une protection des captage, un système d'assainissement spécifique aux médicaments et une campagne de sensibilisation », réclame Emmanuel poilâne qui souhaite aussi "un engagement politique fort ». 

Les associations réclament des analyses sur la France entière
"La teneur en polluants est infime mais elle est suffisante pour que l'on s'interroge sur la pureté originelle », insiste Jean-Luc Touly qui va plus loin : « on n'en est peut-être qu'au début. Il y a de fortes probabilités pour que le pic soit atteint dans quelques dizaines d'années. Et on fera quoi ? » 

Autre inquiétude : si tous ces micropoluants se sont révélés de faible teneur, leur variété de leurs effets combinés interrogent. C'est ce que l'on appelle : "l'effet cocktail " dont on ne sait rien. Encore moins à long terme. L'affaire est suffisamment sérieuse pour que l'on réclame des analyses à l'échelle de la France sur l'eau du robinet notamment », conclut Jean-Luc Touly. 

Olivier Oschlama@midilibre.com

Pas de trace de médicaments dans nos eaux

Au service communication du groupe Danone, sollicité par Midi Libre au titre de maison-mère des eaux de la Salvétat, sur les hauts cantons Héraultais, on explique que les échantillons auraient " été pollués après » les prélèvements et que les quantités infinitésimales retrouvées auraient mérité un autre protocole d'analyse. 

« Nous faisons tout le temps des contrôles, on peut prouver qu'il n'y a pas de trace de médicaments dans nos eaux », insiste-t-on chez Danone. Le groupe précise qu'il travaille à la protection de son eau. À la Salvétat, une association baptisée Pep's vient d'être mise en place, en lien avec les locaux et agriculteurs, pour préserver au maximum la ressource. La chambre syndicale des eaux minérales insistent quant à elle sur le fait qu'elle avait "au préalable informé l'association 60 millions de consommateurs des contre-expertises réalisées par un laboratoire indépendant (...), contredisant les résultats et confirme en l'absence de résidus médicamenteux ». 

La chambre rappelle, concernant les pesticides, que les traces, « de l'ordre du milliardième (…) ne présentent aucun danger pour la santé des consommateurs ». Cela conforterait, à ses yeux, « les mesures de protection environnementales prises ». A une réserve près : le temps que des polluants potentiels apparaissent. Pour la source de la Salveta, notamment, « il faut 40 ans avant que cette eau devienne de l'eau minérale, après avoir cheminé dans les failles ». 
Arnaud Boucomont

A savoir sur les pesticides aussi.

« De l'atrazine – pesticide interdit depuis 2001 – trouvé dans la Volvic ! Il faut du temps pour que la nature digère les dégâts… » note Emmanuel Poilâne. 

Des résidus d'atrazine et d'hydroxyatrazine, un désherbant, ont été trouvés dans la Vittel (Grande Source), la Volvic donc, (Clairvic) la Cora ( Saint-Pierre) et la Cristalline (Louise). « Le plus inquiétant : ces produits sont présents sur plusieurs marques. » 

Robinet : rassurant « Dans 70% des communes, il n'y a aucun problème », précise Emmanuel Poilâne. L'étude a porté sur trois départements censés être les champions des dérogations aux normes de potabilité : Ille-et-Vilaine, Seine-et-Marne et Haute-Vienne. Finalement, ce ne sont pas les pires. « Sur 10 prélèvements, huit contiennent de une à quatre molécules, pesticides et résidus de médicaments, y compris le tamoxifène (Rennes et Limoges). » Le Languedoc-Roussillon aurait a priori une eau du robinet plutôt bonne au regard du du faible nombre de dérogations .